Autoconsommation collective : comment l’Aude révolutionne l’énergie locale
Dans l’Aude, des agriculteurs produisent de l’électricité solaire pour leurs voisins. Découvrez comment l’autoconsommation collective change la donne énergétique locale et citoyenne.
Imaginez un hangar agricole dont le toit, couvert de panneaux solaires, alimente non seulement la ferme, mais aussi les maisons du village. C’est désormais une réalité dans l’Aude, où Anila Shallari et Jérémie Parnaudeau, éleveurs de chèvres, produisent de l’électricité pour leurs voisins. Un projet pionnier qui illustre l’essor de l’autoconsommation collective en France, un modèle énergétique local, vertueux et résolument citoyen.
L’autoconsommation collective : une révolution discrète
L’autoconsommation collective permet à des producteurs et des consommateurs voisins de partager une énergie renouvelable, produite localement. Un concept simple, mais révolutionnaire dans un pays où plus de 85 % de l’électricité provient encore du nucléaire. Selon Enedis, le nombre de projets est passé de 77 en 2021 à 1 343 fin 2025, preuve d’un engouement croissant.
« Après la flambée des prix de l’énergie en 2022, l’idée de consommer une électricité produite à côté de chez soi a pris tout son sens », explique Étienne Jouin, coordinateur du réseau des Centrales villageoises. Pourtant, malgré cette dynamique, l’Agence de la transition écologique (Ademe) rappelle que ces initiatives ne concernent encore que 12 300 participants — une goutte d’eau dans l’océan énergétique français.
Un projet audacieux, mais semé d’embûches administratives
À Soulatgé, dans les Corbières, le projet a germé grâce à la rencontre entre les éleveurs et Juliette Theveniaut, chargée de mission au Parc naturel régional. L’objectif ? Développer des projets solaires locaux, avec une gouvernance partagée et profitable à l’économie du territoire.
Pour Anila et Jérémie, l’installation de panneaux sur leur futur hangar était une évidence : « On voulait financer les travaux en revendant l’électricité », raconte l’éleveuse. Mais la mise en œuvre s’est révélée bien plus complexe que prévu. « Techniquement, c’est simple. Administrativement, c’est décourageant », confie François Ballay, président de l’association Verdouble durable.
Les habitants ont dû créer une association pour gérer les contrats, le lien avec Enedis, et reverser les paiements aux producteurs. Un parcours du combattant qui a failli décourager les plus motivés.
Une énergie locale, stable et solidaire
Depuis février 2025, une douzaine de foyers consomment l’électricité produite sur le toit des éleveurs. « Ça couvre 40 à 50 % de notre consommation », précise Sophie Lamour, trésorière de Verdouble durable. Le reste est complété par le réseau classique, mais le prix reste stable : 0,1979 €/kWh, similaire au tarif réglementé d’EDF.
« C’est un acte éthique et militant », souligne Sophie, apicultrice. « On consomme une électricité locale, verte et citoyenne. » Autre avantage : une prise de conscience collective. « On fait plus attention à notre consommation, on échange des astuces pour économiser », explique Jérémie.
L’autoconsommation collective permet aussi des gestes solidaires. « On peut créer des tarifs préférentiels pour les ménages précaires », illustre Étienne Jouin. En Isère, certains bénéficient même d’électricité verte gratuite.
Vers un déploiement plus large ?
Malgré son succès, le modèle se heurte à des limites réglementaires. La loi impose que producteurs et consommateurs soient situés dans un rayon de 2 km (20 km sur dérogation). « En milieu rural, c’est rare d’avoir assez de consommateurs dans ce périmètre », déplore Étienne Jouin.
Les associations militent pour une exonération partielle de taxes et une simplification des démarches. « Ces projets sont écologiques, vertueux pour l’économie locale et la démocratie énergétique », défend-il.
À Soulatgé, l’espoir est permis. « Ce système peut changer la vie locale », rêve François Ballay. Preuve que l’énergie de demain se construit aussi, et surtout, au niveau local.
Source : reportage de Reporterre.net, un média indépendant, à but non lucratif, et en accès libre. (faire un don à Reporterre )



