Chats sauvages : l'engagement des femmes autochtones du Pérou
Des femmes autochtones du Pérou se mobilisent pour protéger les chats sauvages dans le cadre d'une initiative de conservation. Les forêts de queuñas, qui autrefois s'étendaient majestueusement sur ...

Les forêts de queuñas, qui autrefois s'étendaient majestueusement sur les montagnes péruviennes, ont subi un déclin alarmant, laissant derrière elles un paysage où la biodiversité et l'accès à l'eau sont menacés. Cette dégradation écologique a engendré une situation inattendue : les animaux sauvages, chassés de leurs habitats par la déforestation, se rapprochent des communautés autochtones, ce qui entraîne des tensions entre les humains et les prédateurs, comme le souligne James Hall, un collaborateur de Mongabay. Les pumas, les chats du désert péruvien et les chats des Andes se retrouvent en conflit avec les populations locales, qui empiètent sur leurs territoires en déclin.
Ce ne sont pas les félins qui posent problème, mais plutôt la diminution de leurs proies, comme l'explique la biologiste Cindy Hurtado. Avec la disparition des viscaches et des cerfs, ces prédateurs se tournent vers le bétail domestique, qui devient leur source de nourriture privilégiée. Cette situation a des répercussions significatives sur les moyens de subsistance des habitants, en particulier pour les femmes du village quechua de Licapa. Dans cette communauté, où les hommes partent souvent chercher du travail en ville, les femmes restent pour s'occuper des enfants et gérer de petits troupeaux d'alpagas, de poules et de cochons d'Inde.
Biodiversité et économie : Un défi pour Licapa
La perte de ces animaux domestiques à cause des chats sauvages ne représente pas seulement un inconvénient, mais constitue une menace directe pour les revenus familiaux. Les femmes de Licapa, qui dépendent de ces ressources pour subvenir aux besoins de leur famille, se retrouvent dans une situation précaire. La lutte pour la conservation des chats sauvages devient ainsi un enjeu crucial, non seulement pour la biodiversité, mais aussi pour la survie économique de ces communautés. En s'engageant dans cette initiative, ces femmes espèrent trouver un équilibre entre la protection de la faune et la préservation de leurs moyens de subsistance.
Alicia Ccaico se remémore une époque où l'on considérait les chats sauvages comme des nuisibles. La perception traditionnelle était claire : moins il y avait de ces félins, mieux c'était pour la communauté. Cependant, à Licapa, cette vision a commencé à changer grâce à un projet innovant porté par des femmes autochtones. Sous la direction de la biologiste quechua Merinia Mendoza Almeida et de l'expert en chats Jim Sanderson, ce qui avait débuté comme une simple initiative a évolué en un véritable mouvement, baptisé Mujeres Quechua por la Conservación. Ce groupe dynamique réunit plus de 30 femmes chaque mois, leur permettant de partager leurs expériences, d'approfondir leur compréhension de l'écosystème local et de réfléchir ensemble à des solutions qui tiennent compte des besoins des humains tout en préservant la faune sauvage.
Ces rencontres vont bien au-delà de la simple conservation de la nature ; elles représentent des espaces d'émancipation pour des femmes dont la voix est souvent marginalisée dans la société. En se rassemblant, ces femmes créent un réseau de soutien et d'apprentissage, où chacune peut s'exprimer librement et contribuer à un changement positif. Elles explorent des approches qui favorisent l'harmonie entre les êtres humains et les animaux, tout en renforçant leur propre position au sein de la communauté. Ce mouvement incarne une belle synergie entre la protection de l'environnement et l'autonomisation des femmes, prouvant que la collaboration peut mener à des résultats bénéfiques pour tous.
Coexistence entre humains et nature : un nouvel héritage
Des actions simples, telles que le renforcement des poulaillers, ont permis de réduire les tensions avec les petits félins. Cependant, pour aborder le problème des pumas, des approches plus élaborées ont été nécessaires, notamment en diminuant la pression du pâturage sur les forêts environnantes. Les résultats de ces initiatives sont encourageants, et l'accent mis sur l'implication des femmes autochtones a commencé à remettre en question des normes patriarcales profondément ancrées dans la région.
Rocio Morales, chercheuse engagée dans ce projet, souligne que cette initiative est un exemple rare de la façon dont l'intégration des femmes autochtones dans les efforts de conservation peut contribuer à briser les barrières sociales et politiques. En leur offrant des rôles actifs, le projet favorise non seulement la protection de l'environnement, mais aussi l'émancipation des femmes, ce qui est essentiel pour un changement durable.
De plus, l'inclusion des enfants dans ces activités de conservation assure que les valeurs et les pratiques respectueuses de l'environnement sont transmises à la prochaine génération. Dans les hautes terres de Licapa, un lieu où le passé et l'avenir se rencontrent, un nouveau récit se dessine – un récit où la coexistence harmonieuse entre les humains et la nature pourrait devenir l'héritage précieux laissé aux générations futures.
vu sur Mongabay