Cryobanque corallienne : les scientifiques philippins stockent le futur des récifs marins
Les Philippines lancent une cryobanque de larves de corail, une première pour restaurer les récifs menacés par le climat.
Dans un contexte d’urgence écologique, l’Institut des sciences marines de l’Université des Philippines (UP-MSI) s’apprête à ouvrir la toute première cryobanque de larves de corail du pays. Cette installation, située à Bolinao, dans la province de Pangasinan, vise à préserver la biodiversité marine menacée par le réchauffement climatique et le blanchissement massif des récifs coralliens.

Ce projet pionnier s’inscrit dans une initiative régionale baptisée « Développement des capacités de conservation des coraux dans le triangle de corail », qui rassemble cinq pays : les Philippines, Taïwan, l’Indonésie, la Malaisie et la Thaïlande. Ensemble, ils ambitionnent de créer le premier réseau régional de cryobanques coralliennes dans le Triangle de Corail, reconnu comme l’épicentre mondial de la biodiversité marine.
Préserver aujourd’hui, restaurer demain
“Il ne s’agit pas seulement de préserver les coraux aujourd’hui, mais de jeter les bases de futures recherches et de la restauration des récifs”, explique la Dr Maria Vanessa Baria-Rodriguez, qui dirige l’équipe philippine du projet. Chercheuse à la tête du laboratoire IMBiBE (Interactions entre les bionts marins et les écosystèmes benthiques), elle supervise la mise en place de l’infrastructure cryogénique à UP-MSI.
Les travaux initiaux de cryoconservation se concentrent sur les pocilloporidés, une famille de coraux réputée pour sa croissance rapide et sa capacité à recoloniser rapidement les récifs endommagés. Toutefois, ces coraux restent extrêmement vulnérables au stress thermique, ce qui en fait des candidats prioritaires pour la conservation préventive.
Des larves collectées, congelées, et prêtes pour l’avenir
Durant la saison de reproduction, les coraux libèrent des larves planctoniques, qui sont collectées dans des écloseries marines. Elles sont ensuite stockées dans de l’azote liquide, à -196°C, assurant une conservation à long terme. Ce processus complexe permet de préserver la vie corallienne sans perturber les milieux naturels, en attendant leur éventuelle réimplantation.
Grâce aux techniques de vitrification et aux technologies de cryobanking avancées, l’équipe de l’IMBiBE a déjà réussi plusieurs tests de cryoconservation sur des larves en phase précoce.
Une coopération scientifique internationale
Le projet est coordonné à l’échelle régionale par le Dr Chiahsin Lin, de l’Université nationale Dong Hwa de Taïwan et du Musée national de biologie marine et d’aquarium (NMMBA). Il bénéficie du soutien de la Coral Research & Development Accelerator Platform, via la Marine Environment and Resources Foundation.
Cette collaboration a permis la formation d’équipes sur le terrain. En décembre dernier, les scientifiques taïwanais ont animé un atelier de quatre jours à Bolinao, et en février 2025, une session de suivi à Taïwan a renforcé les compétences des chercheurs philippins.
Depuis, des expéditions mensuelles permettent de collecter les larves nécessaires au remplissage de la cryobanque.
Un outil pour la résilience climatique
Au-delà de la préservation, la cryobanque vise à soutenir les futurs efforts de restauration écologique. Les chercheurs espèrent étendre la technique à d’autres espèces de coraux et développer des outils encore plus performants, comme un dispositif de réchauffement assisté par laser de 4e génération ou un système cryojig de précision.
Alors que le projet arrive à une phase décisive, la Dr Baria-Rodriguez et son équipe redoublent d’efforts pour sauvegarder l’un des patrimoines marins les plus riches de la planète.
“Avec le changement climatique, chaque action compte. Cette cryobanque, c’est notre promesse aux générations futures.”