Justice carbone en action : un modèle innovant pour sauver les mangroves en Sierra Leone
En Sierra Leone, 220 communautés signent un accord carbone équitable pour protéger 79 000 hectares de mangroves. Découvrez ce modèle innovant de justice climatique et ses enjeux.

Dans un contexte où les forêts de mangroves disparaissent à un rythme alarmant, 220 communautés de la chefferie de Sittia, en Sierra Leone, viennent de signer un accord historique avec l’Africa Conservation Initiative (ACI). L’objectif ? Protéger près de 79 000 hectares de mangroves, tout en garantissant aux populations locales une part équitable des bénéfices générés par les crédits carbone. Ce modèle, fondé sur des principes de justice carbone, pourrait bien inspirer d’autres projets à travers le monde.
Un écosystème vital menacé
Les mangroves de l’estuaire du fleuve Sherbro, qui abritent près de la moitié des forêts de ce type dans le pays, sont sous pression. La demande croissante en bois pour la cuisine, le fumage du poisson, l’agriculture et la construction menace leur survie. James Harding, directeur de West Africa Blue, société mère d’ACI, souligne l’urgence d’agir : « Ces écosystèmes sont essentiels pour la biodiversité, la protection côtière et la subsistance des communautés locales. »
Pour inverser la tendance, le projet propose des alternatives durables : fournaux de cuisson et fumoirs à poisson efficaces, plantation de parcelles boisées, et accès au capital. Une approche qui vise à réduire la dépendance au bois de mangrove, tout en améliorant les conditions de vie.
Six principes pour une justice carbone exemplaire
L’accord repose sur six piliers, élaborés par un réseau mondial d’organisations de base. Parmi eux :
La participation équitable : les communautés sont au cœur de la gestion des ressources naturelles.
L’interdiction de « polluer en payant » : les acheteurs de crédits carbone doivent prouver leurs efforts pour réduire leurs propres émissions.
Le consentement libre, préalable et éclairé (CLPE) : les communautés ont accès à toutes les informations financières, y compris les revenus générés.
Daniel Sesay, de Namati Sierra Leone, insiste sur l’importance de ces principes : « Nous avons appris des erreurs du passé. La transparence et la responsabilité sont non négociables. »
Un partage des revenus transparent et équitable
Contrairement à d’autres projets où les bénéfices restent opaques, cet accord prévoit que 40 à 50 % des recettes brutes reviennent aux communautés. ACI conservera entre 42,5 et 52,5 % des revenus, tandis que le gouvernement de Sierra Leone en recevra entre 7,5 et 15,5 %.
Isa Mulder, de Carbon Market Watch, salue cette avancée : « La transparence financière est un pas crucial vers des marchés du carbone plus justes. » Les audits indépendants garantiront la traçabilité des réductions d’émissions, et ACI s’engage à ne vendre des crédits qu’à des acheteurs engagés dans la transition écologique.
Un modèle qui inspire, mais des défis persistent
Si l’accord est prometteur, sa mise en œuvre sera scrutée. « Nous devons voir comment les communautés géreront ces revenus et comment ACI respectera ses engagements », précise Daniel Sesay. Sandy Rogers, une responsable jeunesse locale, se montre optimiste : « Grâce à Namati, nous avons gagné en confiance. Ce projet créera des emplois et des opportunités pour nos jeunes. »
Les enjeux sont immenses : adapter les pratiques locales, assurer la transparence, et prouver que ce modèle peut être reproduit ailleurs.
Vers une nouvelle ère pour les projets carbone ?
Cet accord pourrait marquer un tournant dans la lutte contre le changement climatique. En plaçant les communautés au centre des décisions, il montre qu’il est possible de concilier conservation, développement économique et justice sociale.
Comme le résume Isa Mulder : « Ces principes incarnent ce que devrait être un marché du carbone équitable. » À suivre de près.



