La mer d’Aral renaît : succès et défis d’une restauration historique
Le Kazakhstan redonne vie à la mer d’Aral grâce à des efforts de restauration sans précédent. Découvrez les succès, les défis et l’appel à une coopération régionale renforcée.

Il fut un temps où la mer d’Aral, quatrième plus grand lac du monde, s’étendait à perte de vue. Aujourd’hui, elle incarne à la fois une tragédie environnementale et un symbole de résilience. Grâce à des décennies d’efforts, le Kazakhstan parvient à redonner vie à sa partie septentrionale, tout en appelant ses voisins d’Asie centrale à renforcer leur coopération. Une lueur d’espoir pour une région marquée par la sécheresse et l’abandon.
Comment la mer d’Aral est devenue un désert
Dans les années 1960, l’URSS lance de grands projets d’irrigation pour développer la culture du coton. Les fleuves Amou-Daria et Syr-Daria, affluents vitaux de la mer d’Aral, sont détournés. Résultat : une catastrophe écologique sans précédent. En 1989, la mer se scinde en deux. En 2014, le bassin oriental de la partie méridionale s’assèche complètement, laissant place au désert d’Aralkoum.
La croissance démographique et les besoins agricoles ont aggravé la situation. La mer d’Aral, autrefois source de vie, est devenue un désert toxique, emportant avec elle la pêche, l’agriculture et les communautés locales.
Le Kazakhstan, fer de lance de la restauration
Depuis les années 2000, le Kazakhstan concentre ses efforts sur la mer d’Aral septentrionale. Les résultats sont spectaculaires : la surface du lac a augmenté de 111 km² depuis 2022, atteignant 3 065 km². La salinité a baissé, permettant le retour de poissons indigènes. La pêche, disparue pendant des décennies, renaît à Aralsk, où les prises annuelles ont été multipliées par dix.
Les infrastructures jouent un rôle clé : reconstruction de barrages, réhabilitation de canaux, et restauration du delta du Syr-Daria. Le barrage de Kokaral, séparant les mers septentrionale et méridionale, est en cours de rénovation. Ces projets ne sauvent pas seulement un écosystème : ils redonnent espoir à des milliers de personnes.
Un appel à la coopération régionale et internationale
Le 15 octobre 2025, lors du Forum international des think tanks d’Astana, le Kazakhstan a lancé un appel vibrant : « La restauration de la mer d’Aral ne peut réussir sans une action collective. » Yerzhan Ashikbayev, premier vice-ministre des Affaires étrangères, a souligné l’urgence d’une stratégie coordonnée, notamment à l’approche du sommet régional sur le climat prévu en 2026.
L’enjeu dépasse les frontières. Le Fonds international pour la sauvegarde de la mer d’Aral (IFAS), créé en 1993, peine à concilier les intérêts divergents des cinq États d’Asie centrale. Le Kirghizistan et le Tadjikistan privilégient l’hydroélectricité, tandis que l’Ouzbékistan et le Turkménistan misent sur l’irrigation. Sous la présidence kazakhe, l’IFAS modernise sa gouvernance grâce à la transparence numérique et l’intelligence artificielle, pour une gestion plus équitable de l’eau.
Des succès fragiles et des défis persistants
À Aralsk, les habitants voient l’eau revenir près de leurs côtes. Les bateaux de pêche sont de retour, et les familles exilées commencent à rentrer. « Nous avons perdu la mer une fois, mais maintenant l’espoir renaît », confie un pêcheur local. Pourtant, cette renaissance reste précaire.
La partie méridionale de la mer, située en Ouzbékistan, reste largement irrécupérable. Les projets locaux se concentrent sur l’agriculture durable et le reboisement, mais la restauration hydrologique semble hors de portée sans une coopération accrue.
Le Kazakhstan mise sur l’innovation : systèmes de surveillance automatisés, partage de données en temps réel, et reboisement massif. 475 000 hectares ont déjà été replantés depuis 2021, et 428 000 hectares supplémentaires sont prévus d’ici 2025.
Un modèle pour l’avenir ?
La mer d’Aral montre que même les catastrophes écologiques les plus graves peuvent être atténuées. Le Kazakhstan prouve qu’avec une volonté politique forte, des investissements ciblés et une coopération régionale, la nature peut renaître.
Pourtant, les experts rappellent que les efforts actuels restent insuffisants. La survie de la mer d’Aral dépendra de la capacité des États d’Asie centrale à dépasser leurs divergences et à agir ensemble. Un défi de taille, mais un espoir bien réel.
Et si la mer d’Aral devenait un jour le symbole non plus d’une tragédie, mais d’une victoire écologique ? La réponse dépendra de l’engagement de tous.



