Le cuir du futur est né en Caroline du Nord, sans abattage
Découvrez le cuir cultivé à partir de cellules de vache vivante, une innovation éthique et durable qui pourrait révolutionner la mode. Rencontre avec Angel et son créateur.
Un portefeuille ordinaire en apparence, une histoire extraordinaire. Le cuir que tient George Engelmayr, ingénieur biomédical et fondateur de Cultivated Biomaterials, semble banal : brun, texturé, légèrement rigide. Pourtant, son origine est révolutionnaire. Cultivé en laboratoire à partir de cellules de peau d’une vache nommée Angel, ce matériau ouvre la voie à une mode plus éthique et durable.
Angel, la vache vivante qui inspire une révolution
Angel, une Black Angus sauvée par le refuge Sweet Farm, est au cœur de cette innovation. En janvier, Engelmayr lui a présenté une poche fabriquée à partir de ses propres cellules. L’animal, toujours en vie et en pleine santé, incarne la promesse d’un cuir produit sans abattage. « C’est la première fois dans l’histoire qu’une vache voit son cuir se développer à partir de ses propres cellules », souligne Engelmayr.
Cette approche séduit les défenseurs des animaux et les amateurs de luxe. Sweet Farm, le refuge qui abrite Angel, salue cette avancée comme un symbole d’un avenir sans cruauté.
Un cuir biologique, pas un substitut en plastique
Le processus de fabrication est aussi innovant qu’écoresponsable. Dans son atelier de Raleigh, Engelmayr cultive les cellules d’Angel sur des échafaudages végétaux, composés de fibres comme le kapok ou le duvet de pissenlit. Les cellules sécrètent du collagène, la protéine qui donne au cuir sa résistance. Après plusieurs semaines, le tissu est tanné végétalement, sans produits chimiques toxiques.
Le résultat ? Des éclats de cuir sertis dans des bijoux en argent, transformés en « pierres précieuses biologiques ». « Ce n’est pas un substitut en plastique, mais un matériau vivant, presque organique », explique Engelmayr.
Contrairement aux alternatives existantes (mycélium, cellulose bactérienne), son cuir est le premier à provenir de cellules d’un animal vivant et à être commercialisé directement.
Un bilan environnemental prometteur, mais encore à prouver
Le cuir traditionnel a un lourd impact écologique. Lié à l’élevage et aux tanneries polluantes, il contribue aux émissions de CO₂ et à la consommation excessive d’eau. Engelmayr affirme que son cuir cultivé pourrait réduire ces impacts de 80 % à 90 %, grâce à un processus recyclable et moins gourmand en ressources.
« Nous utilisons de l’eau, mais nous la recyclons. C’est une différence majeure », précise-t-il. Des experts indépendants soulignent que ces gains dépendront de l’énergie utilisée et des nutriments employés. Pour l’instant, cette innovation reste une preuve de concept, mais elle trace une voie vers une mode moins destructrice.
Prochaines étapes : des bracelets aux sacs à main
L’ambition d’Engelmayr ne s’arrête pas aux portefeuilles. Grâce à une campagne Kickstarter réussie, il vise désormais les bracelets de montre et les petits sacs à main. « Nous progressons en fonction de la résistance et de la flexibilité du matériau », explique-t-il.
Le défi reste de taille : rivaliser avec le cuir traditionnel en termes de coût et de performance. Les échecs passés (comme ceux du cuir à base de mycélium) rappellent que la durabilité et l’échelle sont des obstacles majeurs. Pourtant, le luxe a toujours su valoriser les matières rares et porteuses d’histoire. « Pensez à la perle, sauf que cette fois, l’animal est toujours en vie », résume Engelmayr.
Une innovation qui dépasse la mode
Cette aventure rappelle que la biotechnologie peut transformer des industries entières. Engelmayr, ancien ingénieur en tissus cardiaques, prouve que les techniques de laboratoire peuvent s’appliquer à la mode. « La Caroline du Nord n’est pas seulement un pôle médical, mais aussi un terreau pour l’innovation durable », souligne-t-il.
Le cuir cultivé d’Angel est plus qu’un matériau : c’est un symbole. Un symbole d’une mode qui respecte les animaux, l’environnement, et qui ose repenser les limites de la création.