Lituanie : comment le soutien communautaire a divisé par deux les suicides
Découvrez comment la Lituanie a réduit de moitié son taux de suicide en misant sur l’écoute communautaire, l’innovation sociale et la déstigmatisation de la santé mentale. Un modèle inspirant !
En 2004, la Lituanie affichait le taux de suicide le plus élevé d’Europe : 44 cas pour 100 000 habitants. Vingt ans plus tard, ce chiffre a chuté à 19,5, une baisse spectaculaire attribuée à une transformation radicale : passer d’une approche médicalisée à une stratégie centrée sur l’écoute, la communauté et la déstigmatisation de la santé mentale.
L’écoute comme remède à la solitude des seniors
« Recevoir des appels d’une dame de 90 ans que l’on n’a jamais rencontrée ne fait pas partie des tâches habituelles d’un entrepreneur. Pourtant, pour Marius Čiuželis, c’est devenu une routine. » En 2016, avec sa femme Kristina, il fonde Sidabrinė Linija (« Ligne d’Argent »), une association qui met en relation des seniors isolés avec des bénévoles pour des conversations téléphoniques régulières.
« Le premier jour, nous avons parlé dix minutes. La fois suivante, près d’une heure. Elle m’a confié des détails intimes sur sa vie, » raconte Čiuželis. Cette dame, veuve depuis six ans et sans enfants, symbolise le drame de l’isolement en Lituanie, où les suicides chez les plus de 65 ans représentent 39 % des cas. « Elle voulait juste parler de pain, de desserts, de la vie quotidienne… Pas de grandes questions, mais de petits riens qui brisent la solitude, » explique-t-il.
Aujourd’hui, Sidabrinė Linija a créé 6 000 liens d’amitié, prouvant que la prévention du suicide passe souvent par un simple appel.
Une stratégie nationale : déstigmatiser et former
La Lituanie a engagé une révolution culturelle pour briser le tabou de la santé mentale, hérité de l’ère soviétique où consulter un psychologue était perçu comme une honte. « Beaucoup craignent que leurs problèmes ne deviennent publics, surtout en milieu rural, » souligne Čiuželis. « Plutôt que des médicaments, ils ont besoin d’écoute. »
En 2007, le gouvernement lance sa première Stratégie nationale de santé mentale, suivie en 2015 par un Bureau de prévention du suicide et un Plan d’action en 2016. L’objectif ? Remplacer l’approche médicale par des services communautaires. Un algorithme national, déployé en 2018, permet d’identifier les personnes à risque et de leur offrir un accompagnement sur mesure. Résultat : 600 personnes ont bénéficié d’une prise en charge complète en 2023.
Autre innovation : le programme des « ambassadeurs de la santé mentale », lancé en 2022. Cent bénévoles partagent leur expérience pour normaliser la demande d’aide. « Nous avons déstigmatisé la santé mentale au point que nos spécialistes sont débordés. C’est un bon signe, » affirme Ignas Rubikas, responsable santé mentale au gouvernement.
Lutter contre l’alcool, facteur aggravant
Sous l’ère soviétique, l’alcool était utilisé pour « anesthésier » les problèmes. Aujourd’hui, la Lituanie renforce sa législation pour limiter la consommation, fortement corrélée aux suicides chez les hommes d’âge moyen et les seniors ruraux. « Nous devons traiter les causes, pas les symptômes, » insiste Rubikas.
Un modèle à suivre, malgré les défis
La Lituanie prouve qu’une politique volontariste, combinée à l’innovation sociale, peut sauver des vies. Pourtant, des défis persistent : l’isolement des seniors reste sous-estimé, et les financements publics pour des associations comme Sidabrinė Linija se raréfient. « Les services numériques laissent de côté les personnes âgées. Il faut adapter les solutions à leur réalité, » plaide Čiuželis.
Malgré tout, l’espoir est permis. « Personne ne devrait souffrir seul, » rappelle Mantas Jeršovas, psychologue formateur en prévention du suicide. « La Lituanie montre que le changement est possible quand on mise sur l’humain. »
Que faire et à qui s’adresser face à une crise suicidaire ?



