Résistance aux antibiotiques : une molécule ancienne pourrait sauver des millions de vies
Des scientifiques découvrent un antibiotique 100 fois plus puissant que la méthylénomycine A, offrant un espoir contre les infections résistantes. Une révolution médicale issue d’une bactérie du sol.
La nature recèle encore des trésors insoupçonnés. En explorant le processus de production d’un antibiotique connu depuis 1965, des scientifiques ont découvert un composé 100 fois plus puissant que le produit final. Une avancée majeure dans la lutte contre les infections résistantes aux médicaments, qui menacent de causer 39 millions de décès d’ici 25 ans. Cette découverte, publiée dans le Journal of the American Chemical Society, illustre le génie imprévisible de l’évolution.
Une découverte inattendue : l’évolution à l’envers
Les chercheurs de l’Université de Warwick, dirigés par Gregory Challis, étudiaient la voie de biosynthèse de la méthylénomycine A, un antibiotique produit par la bactérie Streptomyces coelicolor. Leur objectif ? Comprendre comment cette molécule était fabriquée. Mais c’est un intermédiaire chimique, la lactone de préméthylénomycine C, qui a volé la vedette.
« Nous nous attendions à ce que le produit final soit le plus efficace, mais c’est l’inverse qui s’est produit », explique Challis. Ce composé, 100 fois plus actif que la méthylénomycine A, a éliminé des souches résistantes comme Staphylococcus aureus et Enterococcus faecium à des doses infimes. Une surprise qui défie les attentes classiques de l’évolution.
Un espoir contre la résistance aux antibiotiques
La résistance aux antimicrobiens est l’une des plus grandes menaces sanitaires du XXIe siècle. Selon les projections, elle pourrait causer 39 millions de décès d’ici 2050. La lactone de préméthylénomycine C offre une lueur d’espoir. Non seulement elle est plus efficace, mais les bactéries testées n’ont pas développé de résistance après 28 jours d’exposition, contrairement à la vancomycine, un antibiotique de dernier recours.
« C’est un bel exemple de recherche fondamentale aux retombées inattendues », souligne Christopher Schofield, chimiste à l’Université d’Oxford. Cette molécule pourrait inspirer une nouvelle génération d’antibiotiques, conçus pour cibler spécifiquement les parois cellulaires bactériennes.
Comment cette molécule agit-elle ?
Pour l’instant, son mécanisme exact reste un mystère. « Nous pensons qu’elle cible la paroi cellulaire, mais nous devons encore le confirmer », précise Lona Alkhalaf, co-auteure de l’étude. Une étape cruciale avant de pouvoir l’utiliser en clinique.
Les chercheurs prévoient aussi d’étudier sa toxicité sur les cellules humaines. L’objectif ? Créer des analogues sûrs, conservant son efficacité contre les bactéries tout en limitant les effets secondaires.
Vers une production à grande échelle ?
Une collaboration récente a permis de développer une méthode de synthèse économique à partir de matériaux commerciaux. Un pas de géant vers une production industrielle. Mais avant cela, il faudra valider son innocuité et son efficacité in vivo.
« Cette découverte montre le potentiel des voies métaboliques anciennes », souligne Gerard Wright, biochimiste à l’Université McMaster. Un rappel que la nature, même à l’échelle moléculaire, recèle des solutions insoupçonnées.
Une révolution en marche
Cette avancée redonne espoir dans la course contre les super-bactéries. Alors que les antibiotiques classiques perdent en efficacité, la lactone de préméthylénomycine C ouvre une voie prometteuse. Une preuve que la recherche fondamentale, même exploratoire, peut changer le monde.



