Rocinha : Comment une favela transforme ses déchets en or vert
Découvrez comment Rocinha, la plus grande favela de Rio, transforme l’huile usagée en savons écologiques, créant emplois et durabilité.
Rocinha, la plus grande favela de Rio de Janeiro, abrite plus de 72 000 habitants et compte parmi les communautés les plus dynamiques du Brésil. Née au début du XXe siècle, elle a connu une croissance fulgurante à partir des années 1950, attirant des milliers de personnes en quête d’opportunités. Aujourd’hui, elle incarne bien plus qu’un quartier défavorisé : elle est le berceau d’initiatives sociales et écologiques innovantes, comme le projet Óleo no Ponto.
Une idée née d’un constat alarmant
Tout a commencé en 2020, lorsque Marcelo Santos, entrepreneur et leader communautaire, a remarqué une masse dense dans un réservoir d’eau du complexe sportif de Rocinha. Avec l’aide de Márcio Aroeira, professeur de biologie, il a identifié le problème : des résidus d’huile de cuisson, jetés de manière inappropriée. « C’était un polluant environnemental majeur », explique Santos. Un seul litre d’huile peut contaminer jusqu’à 25 000 litres d’eau, selon les autorités de São Paulo.
Motivé par ce constat, Santos a lancé Óleo no Ponto, un projet communautaire visant à collecter et recycler l’huile usagée en produits d’entretien écologiques. L’objectif ? Réduire la pollution, créer des emplois et sensibiliser les habitants.
Sabão do Morro : le savon qui change les vies
En 2021, le projet a reçu une subvention de 350 000 réaux (environ 65 000 dollars) de la Fondation pour la recherche scientifique de Rio de Janeiro (FAPERJ). Cette aide a permis d’investir dans des machines, de la recherche et la formation de personnel. Le projet a alors pris un nouveau nom : Sabão do Morro, ou « savon de la favela ».
Les femmes de Rocinha sont au cœur de cette initiative. Elles participent à des ateliers de trois mois pour apprendre à fabriquer des produits de nettoyage écologiques. « Nous voulons leur donner les moyens de pêcher elles-mêmes », explique Adriana Moura, qui dirige désormais le projet. Les produits, vendus sous forme de pains ou de pâtes, sont fabriqués à partir d’huile recyclée, de soude caustique et d’essences aromatiques.
Un impact environnemental et social mesurable
Avant Óleo no Ponto, l’élimination inappropriée des huiles était courante. Les habitants jettent souvent leurs déchets dans les égouts, provoquant des obstructions, des inondations et une pollution massive des plages, comme celle de São Conrado. Grâce au projet, plus de 14 400 litres d’huile ont été collectés entre 2024 et 2025. Depuis avril 2025, avec l’ajout de partenariats avec des hôtels et centres commerciaux, le volume mensuel a augmenté de 50 %, atteignant 1 800 litres par mois.
Les bénéfices sont multiples :
Réduction de la pollution des eaux et des sols.
Création d’emplois pour les femmes de la communauté.
Sensibilisation à l’économie circulaire et au développement durable.
Un modèle reproductible et inspirant
Le succès de Sabão do Morro ne s’arrête pas à Rocinha. Adriana Moura rêve de voir leurs produits dans les rayons des grands supermarchés de Rio. « Ce n’est pas moi qui récolterai les fruits de nos efforts. Nous cherchons à sensibiliser les générations futures », souligne-t-elle. Des conférences dans les écoles et des partenariats avec des entreprises locales renforcent cette vision.
Pour l’ingénieure environnementale Amanda Caroline Sousa, ce projet illustre les trois piliers du développement durable : social, économique et environnemental. « Réutiliser les déchets comme matière première, c’est mettre en pratique l’économie circulaire », explique-t-elle.
Vers un avenir plus vert et plus solidaire
Marcelo Santos ne compte pas s’arrêter là. Il envisage d’étendre le réseau de collecte, de multiplier les formations et de collaborer avec d’autres organisations. « En éliminant le pétrole des plages, des rues et des égouts, nous assurons aussi la sécurité des habitants », affirme-t-il.
Rocinha prouve qu’une favela peut être un laboratoire d’innovation sociale. Óleo no Ponto et Sabão do Morro montrent comment une idée simple peut transformer des vies, protéger l’environnement et inspirer le monde entier. Une histoire de résilience, de créativité et d’espoir.



