Zarine Garcia brise le tabou des règles en Inde avec des cours révolutionnaires
Zarine Garcia, éducatrice en Uttar Pradesh, brise les tabous autour des menstruations en enseignant aux adolescents l’importance de comprendre et respecter leur corps.
À Malihabad, dans l’Uttar Pradesh, une révolution silencieuse s’opère dans les salles de classe. Zarine Garcia, éducatrice et militante, y aborde un sujet souvent ignoré : les menstruations. Face à des adolescents gênés ou amusés, elle transforme l’inconfort en dialogue, la honte en fierté. « Beaucoup de filles ne connaissent même pas le nom de leur anatomie », explique-t-elle. Grâce à ses ateliers, des milliers de jeunes apprennent à comprendre leur corps, brisant ainsi des siècles de silence et de tabous.
Des leçons qui vont au-delà des manuels scolaires
Zarine Garcia n’est pas une enseignante ordinaire. Directrice du développement du leadership des jeunes à la Study Hall Educational Foundation (SHEF), elle consacre une partie de son temps à éduquer les adolescents sur des sujets rarement abordés en Inde : les menstruations, la dignité et l’autonomie corporelle.
Dans ses cours, les schémas anatomiques côtoient des discussions sur le respect de soi et la santé reproductive. « La première étape pour prendre soin de soi, c’est de connaître son corps », insiste-t-elle. Au début, les élèves réagissent avec des rires nerveux ou des regards fuyants. Mais après quelques séances, les questions fusent, timides puis assurées. « Quand reviendrez-vous ? », lui demandent souvent les élèves à la fin des ateliers, preuve de l’impact de son travail].
Une mission née de sa propre douleur
Le parcours de Zarine est marqué par une prise de conscience personnelle. Née d’une mère indienne et d’un père vénézuélien, elle a grandi aux États-Unis avant de s’installer en Inde. À la fin de la vingtaine, elle a souffert de crampes menstruelles sévères, ignorées par les médecins. « Je me sentais invisible, comme si la douleur était normale pour les femmes », se souvient-elle.
Frustrée, elle s’est formée à la santé reproductive holistique. « J’ai réalisé que les cycles menstruels ne sont pas une malédiction, mais un indicateur de santé », explique-t-elle. Cette révélation a forgé sa mission : donner aux jeunes les connaissances qu’elle n’a pas eues.
Transformer une crise en opportunité
Pendant le confinement lié à la COVID-19, les serviettes hygiéniques sont devenues rares en Uttar Pradesh. Zarine a réagi en créant un tutoriel vidéo pour fabriquer des serviettes lavables avec des tissus recyclés. « On ne parlait pas seulement de serviettes, mais de dignité », souligne-t-elle.
Les familles ont transformé leurs cuisines en ateliers, et les frères ont aidé à coudre. Ce qui devait être une solution temporaire est devenu un mouvement communautaire, normalisant les conversations sur les règles et la durabilité.
Changer les mentalités, une séance à la fois
Dans une région où les menstruations sont souvent associées à la honte, les ateliers de Zarine offrent un espace de liberté. Khushi Kannaujia, une élève, se souvient d’un incident dans un magasin où un homme murmurait en vendant des serviettes hygiéniques. « Après les cours de Madame Zarine, je comprends que ce n’est pas une maladie, mais quelque chose de naturel », dit-elle.
Même les garçons participent au changement. Abhay Diwakar, 17 ans, admet : « Avant, je ne savais pas que les règles étaient un signe de bonne santé. Maintenant, je veux en parler ouvertement avec mon père. »
Un impact qui dépasse les salles de classe
Depuis 2018, Zarine a touché plus de 4 500 personnes dans 35 écoles et communautés. « Le vrai changement, c’est quand les filles demandent de l’aide à leur frère ou parlent des règles en famille », explique-t-elle.
Les enseignantes discutent désormais des menstruations en salle des professeurs, et les serviettes lavables circulent comme des symboles d’autonomie. « L’éducation menstruelle ne se limite pas à l’hygiène, c’est une question de santé et de respect de soi », insiste Zarine.
Un héritage de dignité et de confiance
À la fin de chaque séance, Zarine voit des sourires et des questions qui n’osaient pas être posées. « Le succès, ce n’est pas le nombre de serviettes fabriquées, mais le courage d’un jeune qui veut en savoir plus », dit-elle.
Dans les ruelles parfumées de manguiers de Malihabad, Zarine prouve qu’éduquer, c’est libérer. « Les menstruations ne sont pas une malédiction, mais un signe de santé. Si on en parle, d’autres barrières tomberont. » Une révolution douce, mais profonde, qui commence par une question : « Madame, quand reviendrez-vous ? »
Et si parler des règles était la première étape pour changer le monde ? Zarine Garcia, en tout cas, en est convaincue. Une leçon à la fois.